mercredi 6 avril 2011

Front national : c'est normal


Maintenant que l'après-élection cantonale est passé de mode, on peut revenir sur les cris des orfraies bien pensantes qui ont accueilli les scores du FN lors du scrutin.

Mais que les choses soient claires tout d'abord : il ne s'agit pas ici de légitimer des idées aussi néfastes à la démocratie et aussi nuisibles à la vie sociale que celles de Marine Le Pen et consorts. Il s'agit d'essayer, avec un peu de détachement, de rationaliser le phénomène.

Les composantes observables de ce carton du Front national sont aisément repérables :
- crise de l'emploi et mal de vivre, comme en témoigne la carte du vote FN, en grande partie alimenté par les régions du quart nord est, celles que l'on connait le mieux
- légitimation des idées et du discours frontiste par une partie des élites droitières du pays, dans de sordides calculs politicards
- faiblesse insigne des partis de gauche, empêtrés dans leurs salmigondis internes et complètement déconnectés de leurs mandants populaires possibles : PS trop peu représentatif et isolé des réalités populaires, Verts déboussolés par leur fusion forcée avec Europe-écologie, leur impossible candidate et leur plan B médiatique non moins impossible, partis d'extrême gauche insignifiants, à l'exception notable du parti de gauche, ce dernier toutefois complètement handicapé par la crise de leadership dont a profité Melenchon pour s'imposer.


Si on ajoute la stratégie de Marine Le Pen pour faire oublier les écarts de langage paternels... Bingo !

Nous sommes sans doute maintenant tout près de ce que nos amis démocrates italiens, qui en connaissent un rayon en la matière, sont navrés d'appeler la démocratie de l'impuissance : on va dans le mur, on a la claire conscience d'y aller, mais on y va quand même...

Alors que faire ?

Certainement pas stigmatiser, montrer du doigt, condamner : le vote Front national, avant d'être une posture individuelle, obéit à des constantes sociologiques fondamentales qui n'ont qu'un rapport distancié avec la volonté consciente des personnes. De plus, stigmatiser n'a guère d'efficacité quand on a boulot, une maison, une bagnole, et qu'on a aucun souci pour payer ses factures, et partir en vacances en plus.

Très certainement faut-il se battre, authentiquement, et avec tous les moyens qu'on peut avoir à sa disposition, individuellement et collectivement, pour que notre société rétablisse enfin un domaine d'égalité entre les citoyens estimé suffisant par eux-mêmes pour éviter la bascule à l'extrême. Mais encore faut-il encore être capable de percevoir, au delà de tous les égoïsmes catégoriels, une valeur fondamentale qui fait l'être humain : la solidarité, qui est elle-même une figure de la fraternité. Pas vraiment à la mode ni télégénique Allez, au boulot !