vendredi 18 juin 2010

Attention : télé d'utilité publique

La télé n'est pas qu'un instrument d'aliénation, hélas. La BBC sait nous le rappeler par ses fantastiques reportages, évidemment ignorés, sauf rare exception, par nos franchouillardes étranges lucarnes.


Une mention remarquable doit être ici décernée à une série de reportages produite par la télévision publique britannique et présentée par un globe trotter vedette, Simon Reeve.




Son look d'ado à peine vieilli ne doit pas faire illusion : Simon Reeve a déjà à son actif pas mal de reportages et de vécu journalistique, et tout particulièrement une enquête publiée à la fin des années 90 sur le premier attentat contre le World Trade Center, en 1993 et dans laquelle il mettait en évidence la personnalité d'un certain... Ousama Ben Laden. Pas mal vu.


...publié en 1998...


Revenons à la série Tropic of Cancer, puisque c'est son nom. Le principe est simple : voyager le long du tropique du cancer, d'est en ouest, en commençant par le Mexique et en finissant par Hawaï. La réalisation en revanche est beaucoup plus compliquée : Simon Reeve et son équipe doivent jongler avec les visas, les interdictions, les frontières closes, qu'il faut contourner longuement - comme pour arriver au Sahara occidental dans la partie habitée par les Saharaouis, de l'autre côté du mur construit par le Maroc en plein désert - ou qu'il faut carrément transgresser en toute illégalité, quand il passe en Birmanie, ou encore carrément impossible à franchir sans gros ennuis, comme la frontière chinoise, qui lui fut fermée sans espoir de recours.


C'est que Simon Reeve dispose de qualités tout à fait particulières qui le rendent assez vite persona non grata pour les officiels : un sens aigu de l'injustice et une capacité de réaction à la destruction de la planète.


Au Mexique, il montre une mine géante à ciel ouvert creusée par une société canadienne... juste à côté d'un village ancien, au risque de l'engloutir pour de vrai. Au paradis pour touristes que sont les Bahamas, il trouve le moyen d'approcher les immigrés haïtiens qui en sont les véritables parias et y vivent, eux, dans des conditions épouvantables...


Au Maroc, il n'a de cesse de nouer le contact avec les représentants des institutions saharaouies pour illustrer ce qu'est, concrètement; la domination et la séparation d'un pays et d'un peuple en deux. Tout y passe, tout au long du voyage : la perte de la culture nubienne en haute Egypte, noyée sous la modernité du barrage d'Assouan, les conditions de vie esclavagistes faites aux travailleurs immigrés du sous continent indien et qui construisent Dubaï dans l'ignorance de tout droit social, les ravages de la mousson en Inde, compte tenu du réchauffement climatique...



Au Bangladesh, il filme, concrètement, ce qu'est la vie d'un enfant de 5 ans, employé d'une verrerie, mort de fatigue, exposé à tous les dangers du feu, des brulures, de la chaleur intense... Ouf, on ne sort pas indemne de ces reportages, traités pourtant avec un allant et une pêche d'enfer dont on sent que la motivation fondamentale est une formidable volonté de faire exploser au grand jour les injustices, les hypocrisies, le cynisme des Etats et des acteurs économiques mondiaux. Bref, les aspects les moins reluisants de notre monde. L'empathie en plus; ou, comme on disait autrefois, la sympathie humaine, manifestement non feinte.


Toujours accompagné d'un habitant du pays visité - mais sans mandat officiel, Simon Reeve expose la réalité, ses causes, et la perception qu'il en constate localement. Un espèce de jeune Michael Moore dont le pays serait le monde entier.


Voila qui nous change en tout cas de la soupe tiède servie en France par ceux qui filment du ciel ou qui prônent une écologie officielle bien proprette.


Simon Reeve avait déjà proposé sur la BBC une série de reportages sur le même principe en 2006, en suivant l'équateur, puis en 2008, en suivant le tropique du Capricorne.En 2003 déjà, il avait aussi mis en oeuvre une série de reportages sur les pays d'Asie centrale drôlement intitulée Meet the stans (rencontre avec les -stans) et en 2005, une série sur les pays qui n'existent pas (Places That don't exist), du genre Transnistrie, Ossétie du sud, Nagorny Karabach. Un gars plutôt intéressant, non ?


Le meilleur du meilleur de la télé, à visionner à partir d'internet bien sûr en attendant... A quand sur une chaîne française ?


Voir ci dessous quelques extraits.



mercredi 9 juin 2010

Pensée unique : le grand retour


Plan de rigueur, déficits, dette publique... Et nous voilà la tête farcie de chiffres, de discours culpabilisants, qui visent pour l'essentiel un objectif : accréditer l'idée que c'est à cause de notre mode de vie irresponsable que la faillite menace les Etats européens...

Comme si le "sauvetage" des établissements financiers d'il y a juste un an et demi n'était pour rien dans le trou que les Etats ont creusé, sans barguigner ni culpabiliser qui que ce soit. Et les mêmes qui ont été sauvés maintenant de faire la leçon à leurs sauveteurs en les accusant de gabegie financière par marchés interposés !

On croit rêver. Mais il faut bien se rappeler de temps en temps que nous vivons dans un monde très capitaliste : ces milliards versés à la finance et ce cynisme économique s'en chargent pour cette fois, merci bien !

Mais qui le dit publiquement ? Fort peu de monde. Alors voici, à nouveau, un extrait de l'émission de salubrité morale qui sauve toutes les autres, "l'esprit public" de France culture, du 30 mai dernier. Ces 10 premières minutes, l'introduction de Philippe Meyer mais surtout l'intervention de Philippe Labarde qui suit, valent la peine et sont presque rassurantes pour l'esprit.

Ouf, nous ne rêvons pas tout à fait.


France Culture, l'esprit public
30 mai 2010, extrait

samedi 5 juin 2010

Droit de suite : défendons la Défenseure !




Le blog En attendant avait relayé le projet de notre bon gouvernement de supprimer le poste de Défenseur des enfants en noyant ses compétences dans celles du futur Défenseur des droits, ainsi d'ailleurs que celle de la HALDE, et d'autres commissions dont les rapports sont souvent gênants pour l'autorité suprême qui gouverne notre pays avec pourtant tant de clairvoyance.

Il se trouve que le projet de loi correspondant était examiné par le Sénat cette semaine et qu'un amendement d'un sénateur UMP , Hugues Portelli, proposait de sortir la fonction de Défenseur des enfants de cette mixture. Amendement adopté avec les voix de la gauche sénatoriale, des centristes, et d'une partie de l'UMP... Puis... refusé le lendemain. Mais que s'est-il passé ? Et pourquoi ce revirement ?

Dominique Versini, juriste, vaillante Défenseure des enfants et de la fonction qu'elle exerce encore pour quelques mois au moins, explique tout avec limpidité dans l'interview ci-dessous, donné à France info hier :


Dominique Versini à France Info
le 4 juin 2010


Rappelons quand même, au delà de la polémique, que l'instauration de la fonction de Défenseur des droits de l'enfant est directement liée aux engagements de la France quand celle-ci a signé, puis ratifié en 1989 la Convention internationale relative aux Droits de l'enfant mise au point et portée par les Nations Unies. Mais qu'est-ce que l'ONU pour notre Napoléon en herbe, que le Défenseur gêne profondément pour certains de ses avis bien sonnés ?

Cette affaire est assurément emblématique de tous les dysfonctionnements politiques actuels : il est purement et simplement inconcevable qu'une démocratie moderne s'assoie sur ses engagements internationaux sans vergogne du simple fait du Prince. Mais où vivons nous donc ?

A ce titre, je propose d'ériger la banane comme symbole de résistance. Vive donc la banane, symbole de toute République... bananière !