dimanche 21 avril 2013

Nature, Culture, Injure


Si on n'était pas entièrement convaincu de la pertinence d'étendre l'institution nuptiale aux couples de même sexe, la tournure prise par les manifestations de la droite réactionnaire et le comportement de la droite parlementaire qui s'est placée à sa remorque par pur opportunisme politique obligent à s'engager.

Car les arguments élevés par les détracteurs du mariage pour tous sont tellement nauséabonds en plus d'être intellectuellement, anthropologiquement et philosophiquement inacceptables, qu'ils ont désormais transformé cet engagement en combat pour la démocratie. Ni plus, ni moins.

S'il s'agit de réserver l'union conjugale et la capacité juridique d'assurer l'éducation des enfants aux seuls couples hétérosexuels, constitués des seuls géniteurs, père et de la mère biologiques, ce qui résume la position de la majorité de ceux qui battent le pavé ce jour, l'insulte est grande.

Insulte aux adoptants quel que soit leur sexe, insulte aux familles monoparentales et recomposées, insulte à tous ceux qui, par les hasards souvent malheureux de la vie, se sont trouvés dans la situation de devoir assurer l'accueil et l'éducation d'un enfant dont il ne sont pas  les géniteurs : familles d'accueil, grands-parents, parents de géniteurs décédés, parmi tant d'autres auxquels on peut penser. Couples homosexuels compris.

C'est un grand acte de dénégation sociale que de ne pas vouloir voir que nous vivons depuis toujours ces situations, partout autour de nous et que le temps est venu de l'admettre juridiquement. Enfin.

Plus avant, tous ceux qui se réfèrent à une pensée un tant soit peu rationnelle l'ont pointé publiquement : en matière d'éducation et de parenté, la nature n'est que contingente et souvent trompeuse ("l'instinct maternel"...) alors la culture est de l'ordre de la réalité anthropologique instituée, c'est à dire de l'ordre du choix humain ultime.

Pourvu, en effet, que l'accès aux origines - comme c'est actuellement le cas - soit reconnu, préservé, facilité. C'est la dénégation de ce droit, en plus des tragédies des dictatures concernées - l'argentine et l'espagnole, qui a fait scandale dans les sinistres affaires de bébés volés, par exemple. Mais l'accès à ses origines biologiques n'anéantit pas l'identité sociale de ses parents, s'ils ne sont pas ses géniteurs. Quelle est cette pensée qui oppose les identités entre elles ? On n'ose pas la désigner...



La nature est contingente : la biologie ne fonde aucun lien de parenté par lui-même, sauf à prétendre que l'être humain lui est entièrement soumis, ouvrant par la un dangereux "Meilleur des Mondes". Dans le lien de parenté, nous sommes dans la reconnaissance non pas biologique, mais instituée, résultant du fondement même des sociétés humaines modernes : la capacité à protéger l'individu quelle que soit son origine et ses caractéristiques biologiques, la capacité à énoncer et faire respecter le droit, indépendamment du biologique.

On mesure de là l’aberration et le caractère éminemment dangereux, en plus d'être odieux, des arguments agités par les détracteurs du "mariage pour tous" : un seul modèle familial, inspiré par la biologique pure, où l'institution proclame que géniteurs et parents doivent être les mêmes. Et que fait-on des autres ? Voulons nous vivre dans cette société là ? 

Viennent inévitablement à l'esprit ces images d'une journée particulière, d'Ettore Scola, où les personnages de Marcello Mastroiani et de Sophia Lauren se retrouvent seuls parce que non conformes au modèle social unique préconisé par la société fasciste, dans cet immeuble habituellement surpeuplé et bruyant, que les habitants ont déserté pour assister à la rencontre du Duce et du Führer. C'était le 8 mai 1938. Les squatteurs de manif issus des extrêmes droites de tout poil ne s'y trompent pas.