samedi 18 décembre 2010

Géographie de la Guerre d'Espagne


Cette carte publiée par Libération assortie d'un article de présentation en date du 20/21 novembre 2010 arrête l'oeil. Elle est extraite de l'Atlas de l'Espagne, publication récente des éditions Autrement.

Tous ces cercles font exploser à la vue le nombre et la répartition des victimes de la Guerre d'Espagne par Province et par communauté autonome. Il y manque les Canaries, qui elles-aussi ont payé leur tribut de plusieurs centaines de morts.

Où l'on voit notamment que ce conflit a bien concerné l'ensemble du pays, et certaines régions de manière fort importante. La carte relativise aussi cette idée que c'est la Catalogne qui vient dans les premiers rangs en nombre de victimes, peut être à cause de Guernica et/ou de sa frontière commune avec "notre" Catalogne.

Où l'on voit aussi l'étendue et les ravages de ce conflit sinistre, qui servit de terrain d'entrainement aux troupes nazies.

samedi 11 décembre 2010

Petite philosophie de l'intempérie



On le sait depuis les travaux d'Henri Laborit, vulgarisés dans le film d'Alain Resnais Mon Oncle d'Amérique, quand une contradiction n'est pas résolue globalement, par le haut, ceux qui en sont victimes ensemble s'incriminent les uns les autres, jusqu'à s'agresser mutuellement voire s'entretuer. C'est l'image de la cage électrifiée dans laquelle les rats se battent entre eux parce qu'ils ne peuvent pas matériellement arrêter les décharges électriques qu'on leur envoie arbitrairement, sans raison aucune.

Cette semaine d'intempérie a permis de constater des comportements analogues : mais que font les pouvoirs publics locaux pour déneiger, de préférence devant chez moi et tout vite pour que je puisse aller au travail sans problème, comme si c'était l'été, s'exclame le citoyen-contribuable. Mais on ne peut pas acheter des dizaines de véhicules anti-neige pour trois jours d'intempéries par an, répondent les pouvoirs publics !

Et si l'on commençait par remarquer que l'allongement des temps de trajet domicile-travail, la désertification des zones rurales, la concentration des entreprises à proximité immédiate des grandes villes dans des zones dédiées, voire en plein centre-ville, l'absence ou l'insuffisance de transports collectifs, la multiplication exponentielle des transports routiers de marchandises étaient les premières causes des naufrages de la route ?

Et si l'on ajoutait le fait que, dans le système actuel, un litre de carburant dépensé dans les embouteillages est doublement bon pour la croissance économique, puisqu'après avoir été acheté, il doit être remplacé sans avoir servi à rien.

Ah oui, pour le cas où vous n'en auriez pas entendu parler aux informations, puisque les grands médias ne parlaient que du temps, pendant que le nord de la France était ainsi bloqué par la neige, le énième sommet pour la Terre se tenait à Cancun, avec son lot de frustrations, d'égoïsmes nationaux et de faux-semblants. Bon dimanche à tous.



samedi 4 décembre 2010

De quelle couleur est la Révolution ?



A l'occasion de la publication du livre de Michel Pastoureau, grand historien des couleurs, Libération relève dans son numéro du 20 novembre l'omniprésence en RDA de ce brun indéfini, passablement désagréable et quasiment inédit "à l'ouest" comme on disait à l'époque. Passant un peu de temps dans ce pays, on ne pouvait en effet qu'être marqué par le changement des codes de couleurs que l'est imposait : nos yeux habitués aux vives couleurs des affiches publicitaires, des vêtements, des voitures, des devantures commerciales étaient d'un seul coup plongés dans une monotonie à dominante brune et plutôt terne. Le régime imposait AUSSI ses couleurs.

Intéressante question, de savoir quelle est la couleur de la révolution. Et pas anodine du tout : l'histoire de la Révolution française a été celle du passage du blanc du lys royal à la cocarde tricolore enserrant ce blanc de bleu et de rouge. Plus récemment, la révolution ukrainienne fut orange. Et ainsi de suite.

En RDA, la couleur de la révolution fut au final le triste brun communiste que Michel Pastoureau décrit dans Les couleurs de nos souvenirs.

A Cottbus, en RDA, fin 1989. PHOTO J.P. GUILLOTEAU. ROGER-VIOLLET

Libération - 20/11/2010

Un brun communiste
Commentaires de Michel Pastoureau recueillis pas Natalie Levisalles

«Je suis allé en Allemagne de l’Est assez tardivement, peu avant la chute du rideau de fer et, là, j’ai vu pour la première fois des nuances de couleur qu’on ne voyait pas en Europe de l’Ouest. C’était à la fois intéressant et douloureux. Ces nuances n’étaient pas très réjouissantes, elles étaient même désagréables, notamment l’une d’entre elles, difficile à définir, une sorte de brun violacé grisé moutardé. Je l’ai vue sur des vêtements, notamment des imperméables et des pulls, sur des vélos, des bus, des rames de métro. Je me suis demandé comment les industries parvenaient à obtenir une telle nuance de couleur, très désagréable à l’œil.

«On sentait que cette nuance se voulait fonctionnelle et peu salissante, mais c’était vraiment quelque chose de douloureux, insoutenable, brutal, fruste, et elle faisait contraste avec des couleurs violentes qu’on avait mises ici ou là pour, théoriquement, égayer la vie, mais ces autres couleurs étaient beaucoup trop vives. C’étaient des grands aplats de jaune, rouge, bleu clair, vert… C’est une idée que les urbanistes de l’Ouest avaient également dans les quartiers pauvres : pour égayer la vie quotidienne, on peint des murs ou des bâtiments de couleurs vives, c’est amusant pendant trois jours, et ensuite, les habitants redemandent du blanc et même du gris, tellement c’est insupportable, ces couleurs violentes qui vous entourent toute la journée.

«Cette couleur, je l’ai revue par la suite en Pologne, comme si c’était une spécificité de l’Europe de l’Est. Un héritage d’une époque plus ancienne ? Dans l’Allemagne nazie, elle aurait, à mon avis, été assez à sa place pour souligner le caractère abominable du régime.

«Je n’ai pas pu la faire nommer par mes interlocuteurs. L’un d’entre eux avait un imperméable de cette couleur, dans une matière synthétique, il me disait "grau", mais je voyais bien que ce n’était pas seulement gris.

«Il y a un mot allemand qui caractériserait bien cette couleur, mais qui n’a pas d’équivalent en français, c’est urfarbe, une couleur sauvage, venue du fond des âges et ayant survécu malgré tous les progrès de la teinture et de la peinture au fil des siècles.»