mercredi 26 janvier 2011

Un gène du dimanche ?


Quelquefois, la vie est trop longue. Et nous voilà, encore une fois, soulés par un énième débat ministériel sur "les rythmes scolaires", comme tout ce que notre beau pays compte de pédagogues, conduit par un énième comité théodule dont le rapport accouchera à peine d'un mulot, s'il faut en croire le devenir de la montagne de rapports précédents.

Mais à qui la faute si les semaines scolaires sont trop chargées ? Quels avis ont été recueillis en 2008 pour passer la semaine scolaire à quatre jours, sans consulter personne d'autre que les professionnels du tourisme, dans la volonté d'en découdre avec l'institution scolaire qui prévalait dans l'esprit du ministre de l'époque ? En bref, de qui se moque-t-on ?

Et si l'on se disait une bonne fois pour toutes que le rythme biologique doit en effet s’accommoder de rythmes sociaux et familiaux qu'il importe de clarifier aussi. Que dans de nombreux pays européens, l'année scolaire est fort différemment organisée - avec notamment beaucoup moins de vacances scolaires - et que leur système éducatif est au moins de même qualité (et fait même plutôt mieux, notamment en Europe du Nord), et, encore et encore, que le vrai rythme biologique - au sens le plus fort du terme - est le rythme quotidien ou annuel, et pas le rythme hebdomadaire. Nos ancêtres ne nous ont  pas légué de "gène du dimanche". Ca se saurait.

Pitié : qu'on ne nous fasse pas prendre des vessies pour des lanternes. S'il s'agit d'intérêts sociaux ou commerciaux, qu'on le dise, mais sans alibi chrono-biologico-machin svp. Il parait que le peuple est majeur.

Et encore faut-il passer sur le modèle de journée scolaire avec activités sportives ou culturelles qu'on essaie de présenter comme nouveau (donc forcément bon) alors qu'il a été mis en place depuis plus de 20 ans sur certains territoires. Ce modèle est extraordinairement coûteux et les collectivités locales qui s'y sont essayé se sont cassés les reins financièrement. Pourquoi donc vanter l'impossible, ou pire, l'inéquitable ?

samedi 22 janvier 2011

Photographie d'Etat


Cette photo, prise lors de la visite du Président chinois Hu Jintao en Corée du Nord en août dernier, a récemment été reproduite ici et là dans la presse, Wikileaks ayant fini fin 2010 par accréditer la rumeur que le gouvernement chinois s'apprêtait à lâcher le dictateur nord-coréen pour créer les conditions d'une réunification des deux Corées.

Photo intéressante : poignée de main totalement asymétrique, le bras près du corps et plié pour Kim Jong-Il, comme s'il voulait rapprocher Hu Jintao, dont le bras tendu au contraire marque la distance. On voit en tout cas qui dépend de qui sur cette photo d'Associated Press. Et combien d'arrière pensées peut-on deviner derrière ces deux paires de lunettes et ces sourires crispés ?

Pour un peu, cela rappellerait une certaine photo prise le 6 octobre 1989, jour du 40° anniversaire de la RDA. Trois jours après, Moscou lâchait Honecker en demandant à Egon Krenz, son dauphin, de le destituer. La RDA n'aura pas connu d'autres anniversaires.



jeudi 20 janvier 2011

Pole Emploi : Philosophons, philosophons, il en restera toujours quelque chose...



 Sur le site http://www.emploiparlonsnet.fr, animé par le Pôle emploi, les demandeurs d'emploi seront sans doute ravis d'entendre Edgar Morin leur conseiller de "Réveiller le logiciel du nous", "Régénérer l'espérance", "Se désintoxiquer avec la nouvelle économie", "Mettre un certain désordre nécessaire" et "Démondialiser, revitaliser"...

Stupéfiante et très suffisante mise en scène des impuissances du service public de l'emploi, qui, à défaut de pouvoir communiquer efficacement avec les plus de 4 millions de ses adhérents bien involontaires, habille sa communication avec les habits de la philo-sociologie.

Si la philosophie sert à cela, alors, pour reprendre le mot de Pascal, elle vaut pas une heure de peine. 

lundi 17 janvier 2011

Démocrates sans démocratie


Certains sont bien sévères avec la Tunisie, qui développe sur bien des points l'ouverture et la tolérance avait déclaré notre guide suprême ou supposé tel lors de sa visite en Tunisie de fin avril 2008. Bien vu. Bien vues aussi les propositions de notre guidouille de Ministre de la Police proposant une coopération policière à un dictateur patenté. Toute la presse s'est mise en recherche de jugements de la sorte, et la liste est longue des personnages politiques français de tous bords qui en ont doctement proférés.

Rétrospectivement, on frémit devant le sentiment de trahison que les Tunisiens ont du éprouver devant ce type de déclarations irresponsables et arrogantes pour ces démocrates sans démocratie.

Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour savoir avec certitude si les Tunisiens vont enfin rencontrer leur démocratie.

En attendant, quelques recherches sur cette révolution du jasmin sur le site du Monde, parmi d'autres, exposaient aujourd'hui même à ce curieux bandeau publicitaire, compte tenu des circonstances :


Après tout, qu'importe la démocratie dans une usine à touristes bon marché...




samedi 8 janvier 2011

Politique : le degré Zéro


Finalement, Platon, Hegel et Nietzsche ont peut-être raison tous ensemble.
Platon, parce qu'il a décrit dans La République comment la démocratie tourne inévitablement à la démagogie, et comment le démagogue devient inéluctablement Tyran. Hegel, parce que sa pensée explique comment l'histoire humaine dessine son sens progressivement tant dans les évènements du quotidien que dans les hauts faits des puissants. Nietzsche, parce qu'il a permis de dessiner, dans sa théorie trompeuse dite de l'éternel retour, la figure en spirale du temps humain : mouvement circulaire, mais se mouvant en même temps selon un axe linéaire, si bien que le point de retour n'est jamais le même.
Il est tentant d'utiliser toutes ces catégories pour expliquer ce qui arrive à la politique en ce moment dans les sociétés post-industrielles. En quelques mots : populisme, démagogie, communication tous azimuts, règne sans partage des "entourages" qui font écran à la réalité tout autant qu'ils prodiguent des conseils désastreux à leurs commanditaires, affaiblissement des fonctions électives, habillage purement verbal de réalités fort peu reluisantes, protestations d'intérêt collectif masquant en réalité les avantages accordés de manière systématique à une minorité de possédants toujours plus minoritaire, justification permanente de la mise en péril de tous les acquis culturels, éducatifs et sociaux au nom des impératifs économiques, anti-intellectualisme forcené, récupération des thèmes écolos quand cela arrange les intérêts privés favorisés au passage, mais oubli dans tous les autres cas, rentabilisation des amitiés personnelles par les moyens de la puissance publique... On en passe, et des meilleures.

"La présidence de l'UE, c'est où ?"
Sur la peau de bête : Hongrie.
Sur la femme traînée par les cheveux : liberté de la presse.
(source : courrier international)
En bref, le degré en dessous de zéro de la politique. Nous y sommes : France, Italie, Suède, Pays-Bas, Russie, Hongrie... Etats-Unis évidemment, entre l'ère Bush et les Tea-Party etc.
Après celle, globalement, des démocrates, voici l'ère des démagogues, inscrivant leur exercice politique dans un mouvement de dénégation méthodique des valeurs d'intérêt collectif, organisant la guerre de tous contre tous au lieu de récréer en permanence, comme les fondements de la politique le supposent, des champs d'égalité suffisants entre les citoyens pour permettre une vie collective pacifiée, respectueuse de ses différentes composantes identitaires, de la diversité des individus et se son environnement.
Bien plus que la nécessité de s'indigner - peu fertile en soi en effet - c'est une des dimensions essentielles de l'essai de Stéphane Essel, qui rencontre un si grand succès en France en ce moment, de pointer cette mise à mal systématique des acquis collectifs de la société française depuis la fin du dernier conflit mondial, et donc de mettre au jour ce mouvement vers le bas.


Ces dernières années nous auront donc permis d'inaugurer à l'évidence un cycle politique descendant dont nul ne sait combien de temps il va durer hélas. A l'échelle des sociétés humaines, il n'est pas sûr du tout que la plupart de nos contemporains adultes en connaîtront la fin. Et il faut se résigner à adopter cette désormais évidence : le progrès social n'est pas continu. Dur, dur, de s'habituer à l'idée de régression sociale, dans la quatrième ou cinquième puissance économique mondiale... Le faut-il, d'ailleurs ?
Illustration parmi tant d'autres aperçue ces jours-ci dans USA Today, pourtant vraiment pas suspect d'intellectualisme, à propos de Sarah Palin et d'un reportage sur elle particulièrement mièvre la mettant en scène en grande chasseresse dans son pays natal d'Alaska :
Tout cela serait de la télévision risible et très innocente si cela n'avait pas d'autres conséquences. Mais cette émission et sa présentation hagiographique de Palin est tristement emblématique de la vie politique américaine d'aujourd'hui.
L'Alaska de Sarah Palin, c'est de l'anecdote dénuée de toute substance. Et quand nos candidats peuvent tout aussi bien produire des pubs-marketing, des sites internet écrits par des nègres ou des discours préfabriqués sur les prompteurs - le tout financé par des fonds privés intéressés, les Américains donnent leur suffrage en fait à des personnages de fiction. Et il ne s'agit pas ici d'incriminer la seule Sarah Palin. C'est un système entier qu'il faut mettre en cause.
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This would all be laughable, harmless television if that's where this story ended. Yet this show and its veneered presentation of Palin is sadly emblematic of American politics today.

Sarah Palin's Alaska is just back story rather than substance. But when our candidates can also produce poll-tested commercials, trot out ghost-written websites and deliver telepromptered speeches — all financed by unlimited special interest money — Americans are essentially casting votes for fictional characters. This is not an indictment of one Sarah Palin. It's an indictment of the system.