jeudi 30 avril 2009

Une fable moderne : l'histoire jugera

Appelons cette jeune femme Michèle. Haut fonctionnaire, énarque, Michèle décide non pas d'entrer en politique - elle est adhérente de son parti depuis longtemps - mais "d'accéder aux responsabilités", comme on dit. Après un début peu concluant en région parisienne (dur, dur, la banlieue), la voilà parachutée dans une vieille province qui en a vu d'autres depuis des siècles, mais apparemment en mal de candidate...


Parachutage réussi titrent les observateurs de la vie politique locale. Nous sommes en juillet 2006, en route pour les Législatives de juin 2007 : Au moment de mon investiture, j’ai très rapidement pensé à fixer un rendez-vous aux militants investis sur la circonscription. Il était essentiel pour moi de me présenter à eux, de les écouter, d’échanger ensemble sur les enjeux de l’élection à venir. Leur accueil m’a fait chaud au cœur. Je crois qu’ils ont vite perçu que ma motivation était là et que je comptais les associer très fortement à ma campagne, écrit Michèle.

Michèle laboure le terrain. On sait tout sur la foire à la châtaigne en lisant son blog : 1,5 tonne de châtaignes, 4,5 tonnes de pommes qui ont produit 3 000 litres de jus, des litres de vin de noix, des pains, des brioches et autres gourmandises comme les escargots à la vinaigrette. Mais avant tout, c’était un moment fort de convivialité, preuve, s’il en fallait, que la culture traditionnelle et populaire est un puissant moyen de rapprochement des différents groupes sociaux, écrit-elle en octobre 2006. Elle se montre avec les jeunes agriculteurs, les confréries viticoles (où n'y en a-t-il pas en France ?). Elle écume les lotos organisés par les associations, les vide-grenier, les marchés, les réunions publiques...

En février 2007 par exemple, ce maire rural lui rend un chaleureux hommage : Impliquée dans notre circonscription, invitée par des associations, rencontrant les habitants, Michèle s’attache aux réalités du terrain, saisit vite les demandes exprimées, sait tenir compte de la spécificité du monde rural et de la nécessité d’innover dans ce domaine.

L’agriculture, les services publics en milieu rural, les services de proximité dont nos campagnes ont besoin, l’environnement demandent son dynamisme.

Loin de la langue de bois, Michèle, qui n’oublie pas qu’elle est petite-fille de paysans, entraîne et enthousiasme ses interlocuteurs, donne envie de bouger, combat l’immobilisme et redonne espoir aux habitants ruraux de cette circonscription (...) Tournons-nous vers l’avenir avec elle !

Aux Législatives de juin 2007, les électeurs lui préfèrent le vieux cacique du territoire, mais le challenge était difficile face à une telle personnalité, et à peine une année après le parachutage. Il y aura d'autres rendez-vous. Et Michèle continue de plus belle son patient labour. Et elle gagne, à une voix près, l'investiture de son parti pour les cantonales dans un canton à peu près imperdable, contre un responsable local très enraciné.

Elue à plus de 56 % ! Merci… écrit-elle le 17 mars 2008, poursuivant : cette réussite est collective : (...) c’est celle des élus qui m’ont soutenue (...) C’est aussi celle de la proximité, la vraie proximité humaine, qui me lie désormais personnellement aux habitants qui ont appris à me connaître et pour lesquels j’ai envie de me battre et d’agir. Je ferai tout pour ne pas les décevoir.

Et la campagne continue, devenue conseillère générale, Michèle informe, rend compte, explique, conteste, propose... sans relâche, soutenue par certains de ses collègues de parti, contestée par d'autres, c'est la vie.


Jusqu'au 28 avril, ... date à laquelle Michèle a annoncé sa démission de tous ses mandats en mettant en avant des raisons personnelles et professionnelles. Rien que ça.

Histoire évidemment parfaitement authentique, nonobstant le changement de prénom de l'intéressée et l'absence d'indication du territoire et du parti considérés, peu importants pour le fond de l'affaire.

Tant de mots, tant d'actes, ruinés d'un seul coup. Mais quel est donc le système politique qui permet ce genre de choses ? Quelle valeur le citoyen peut-il après tout cela accorder à la parole politique et aux partis qui la portent ? Qui est responsable de cet immense gâchis ? L'histoire jugera.

mardi 21 avril 2009

Américains : vive l'Etat !

Décidément, nous vivons une époque paradoxale et intéressante à certains égards. C'est ainsi que le quotidien populaire des Etats Unis, USA Today, peu suspect de complaisance gauchisante, a titré la semaine dernière La majorité des Américains est d'accord avec un Etat plus puissant, au moins pour le moment pour rendre compte d'un sondage sur le rôle de l'Etat.

Incroyable : qui eut cru il y a quelques mois seulement que les citoyens US seraient majoritairement partisans d'un Etat fort ?



Nous voici presque dans cette nouvelle de science fiction lue il y a très très longtemps et dont il faudra que je retrouve l'auteur, qui raconte comment les Américains et les Soviétiques avaient inventé en même temps le gaz qui, une fois dispersé, faisait que le peuple ennemi serait convaincu de son erreur et donnerait à l'autre spontanément raison. Ainsi les Russes étaient-ils devenus capitalistes en un instant, et , à l'inverse, les Américains devenus collectivistes.

Et, en plus, les voici presque devenus écolos, les yankees, si l'on en croit la couleur dominante d'USA today en prévision du jour de la Terre !



dimanche 19 avril 2009

Une semaine ordinaire dans le Monde

Image tirée de l'actualité de ce mois d'avril : le samedi 4, pendant que les grands de ce monde conversaient à Strasbourg au sommet de l'OTAN, que faisaient leur épouses ?

Voici la réponse en image...


... elles visitaient donc la cathédrale en compagnie des ambassadeurs du Tout Puissant sur terre.

Cherchez l'erreur : le monsieur à cravate en quatrième position à partir de la gauche est Monsieur Joachim Sauer, universitaire allemand de renom et grand chimiste de son état. Mais que fait donc Monsieur Sauer sur cette photo ?

Et oui, il est aussi accessoirement le deuxième époux d'Angela Kasner, qui épousa en premières noces Monsieur Ulrich Merkel dont elle garda le nom de famille après son divorce.

Ce qui n'empêcha pas notre Président - heureusement absent de la photo, compte tenu de la taille des sujets photographiés - d'appeler Joachim Sauer "Monsieur Merkel" lors d'une manifestation tout ce qu'il y a de plus officiel :


Passons, il n'est plus à une gaffe près, qui dénote quand même une méconnaissance grave de ses interlocuteurs - mais au moins il pourrait les réserver aux Français sans en incommoder les Allemands, qui n'ont rien fait pour cela, eux.

Nous voici en tout cas en présence d'une espèce d'image inversée du pouvoir, certes impossible il y a un siècle, mais les progrès de la parité paraissent si lents, quand on sait que la première femme premier ministre de l'ère contemporaine est arrivée au pouvoir le 20 juillet 1960.

Revenons au 4 avril à Strasbourg. Et que faisaient les journalistes ? Dans l'impossibilité d'entrer dans le périmètre sacré des excellences, ils prenaient quelques clichés dans les rues avoisinantes... Une autre image inversée du pouvoir, en somme.


Et sinon, quelques autres aperçus de l'actualité de la semaine suivante, respectivement de Thaïlande, Moldavie, Grande-Bretagne et Madagascar (toutes photos AFP) ...


Une semaine ordinaire dans le monde, somme toute...

vendredi 10 avril 2009

Faillite prévue le 2 septembre 2009 !


Le vote du nouveau collectif budgétaire à l'Assemblée nationale hier a considérablement allourdi le déficit des comptes de l'Etat pour l'année 2009. Qu'on en juge :

Montant total des dépenses nettes de l'Etat prévues en 2009 : 292 496 Millions d'Euros
Montant total des recette nettes de l'Etat prévues en 2009 : 196 273 Millions d'Euros

Différence : - 96 223 Millions d'Euros.

Si on ajoute quelques bricoles dont je vous passe le détail : comptes spéciaux, budgets annexes, le budget voté par nos parlementaires hier est en déficit de 103 808 Millions d'Euros.


Du jamais vu. Pour information, le déficit du budget de l'Etat constaté en 2007 est d'un tout petit peu moins que 42 000 Millions d'Euros.

De 42 Milliards à près de 104 Milliards : on la sent passer la crise.


Petit calcul : à 0.801 Milliards d'Euros de dépenses par jour, l'Etat peut vivre avec ses ressources prévues en 2009 seulement 245 jours sur 365... Et le 245° jour de l'année est le 2 septembre...

A partir de cette date donc, l'Etat vit à crédit jusqu'au 31 décembre. Est-ce bien raisonnable ? Qu'est-ce que cela peut signifier à terme... Alourdissement des charges pesant sur le contribuable moyen (le plus nombreux il est vrai, mais quelle équité en rapport aux happy few qui ont les moyens même de passer au travers du filet fiscal?), dégradation de la qualité des services publics de toute nature, coupes sombres dans les politiques sociales...

Quoi qu'il en soit, à ce niveau d'endettement, les choix économiques faits sont sacrément importants. Que l'on ne s'y trompe pas : une bonne partie des dépenses publiques d'Etat nouvelles vont en effet être réimputés au secteur privé, et notamment aux entreprises... et leurs actionnaires et dirigeants - car le scandale des rémunérations gigantesques des hauts dirigeants d'entreprise qui ont perdu toute mesure ne doit pas masquer le fait qu'une bonne partie des entreprises françaises appartiennent aux retraités californiens, ou des autres Etats américains.

Etrange système quand même, qui creuse des abîmes de déficit public au profit de fortunes privées, au risque de foutre par terre la cohésion sociale du pays tout entier et le bien-vivre de ses mandants... Je n'arrive toujours pas à m'y faire !

Mais il est vrai que la France n'est que la 4° ou 5° puissance économique mondiale...

samedi 4 avril 2009

Utopies réelles (3) : la Saline royale d'Arc et Senans


La saline royale d'Arc et Senans est un lieu magique, exceptionnel, quasi extra terrestre. Un des rares témoins intact du grand siècle qui ne soit ni un édifice religieux, ni vouée à l'habitation.

La Saline royale vue du ciel

Elle fut conçue et construite par Nicolas Ledoux, qui est un compatriote - il est né à Dormans, les quelques recherches faites à l'occasion de ce message me l'apprennent, - architecte de Louis XV, au temps où le sel représentait 6% de la richesse royale et où sa production méritait une attention très particulière. Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, elle vaut un voyage, et de très loin.

Arc et Senans dans son environnement

Les sources documentaires sur la saline royale sont nombreuses et il ne s'agit pas de les plagier. Pour notre propos, on peut voir dans l'architecture de la saline la transposition d'une théorie humaniste de prise en charge globale de l'individu.


Malheureusement, comme souvent, ce fort projet n'a pas été mené jusqu'à terme : le demi-cercle actuel, qui contenait les lieux de travail, devait être complété par un autre, comprenant cette fois les logements des ouvriers. Concurrencée par les marais salants des bords de mer, la saline a rapidement périclité compte tenu des techniques à mettre en œuvre pour récupérer le sel : transport de la saumure, du bois de la forêt proche, évaporation lente etc.

Outre de nombreux visiteurs du monde entier, la Saline royale accueille aussi des manifestations culturelles et des séminaires privés de travail. On peut penser que ceux-ci, dans cet environnement conçu pour le travail, sont spécialement productifs !

Le projet complet