mardi 30 mars 2010

Bienvenue à la radio


L'après-régionales est plutôt intéressant : comme prisonnier d'un bocal dans lequel il s'est lui-même enfermé, et dont le couvercle des sondages est - pour un moment au moins - bien fixé, l'actuel pouvoir tente de s'en sortir.

Tout est bon pour cela : manœuvres de diversion pour tenter, pauvrement, de reconquérir un électorat perdu depuis longtemps - ainsi du report de la taxe carbone, batailles politiques internes jusqu'au sang - malheur au vaincu - alors qu'on sait bien depuis les travaux du biologiste Laborit que des animaux de laboratoire, soumis à une contrainte externe à laquelle ils ne peuvent pourtant rien, finissent toujours par se battre entre eux.

Du coup, les commentateurs ont un peu de grain à moudre et, pour certains, ils arrivent à contourner le mur partisan pour offrir quelques éclairages intéressants.

On en a retenu deux, radiophoniques de service public tous les deux.

D'une part Rocard à France Inter le 24 mars, refaisant toute l'histoire du réchauffement de la planète en 5 mn, de manière assez lumineuse finalement et en n'oubliant pas grand chose. On sent tout au long de l'exposé le journaliste interviewer piaffer d'impatience : la séquence dure à peine 10 mn (l'invité de France inter, de 8 h 20 à 8 h 30) mais il finit par jouer le jeu. C'est rare, exceptionnel même dans le monde des médias, où chaque seconde est comptée.

Et puis d'autre part un extrait de l'émission l'Esprit public du 28 mars, grand bol d'air médiatique du dimanche matin après la messe sur France Culture, ou Philippe Meyer laisse le temps à ses invités de développer quelques analyses sur la situation politique, sociale et internationale qui font du bien à entendre dans leur diversité nuancée et respectueuse de l'opinion des autres. Ouf !

Il est particulièrement réjouissant, enfin, d'entendre y décrire assez précisément le sentiment diffus mais constant de cette dévalorisation de la parole politique qu'est la logorrhée sarkozyste, qui prend en permanence les mots pour les choses et que l'on avait tenté d'expliquer déjà sur le blog (voir ce message notamment).



Qu'on ne s'y trompe pas, Sarko finira par sortir de son bocal, c'est une question de temps - mais il sera intéressant de voir comment, et... dans quel état ! Et pour finir, ce mot entendu juste à l'instant, de la bouche du journaliste présentant le journal de 8 h 00 à France inter et relatant la visite de notre Président aux USA : "... Président en difficulté, ayant laissé la France en sous-traitance à François Fillon..."... Ouf, faut-il qu'il soit affaibli, pour que la formulation des informations autorise cela !



L'esprit public - France culture
28 mars 2010





jeudi 25 mars 2010

Régionales 2010 : le jeu des 7 erreurs



Cherchez l'erreur, suite au scrutin régional des 14 et 21 mars, et que Sarko et sa clique règne sans partage sur les institutions nationales :


Evidemment le jeu est plus facile si l'on produit ces cartes :



et encore plus avec ce diagramme :


ou encore celle-ci :


Le blog En attendant reviendra évidemment sur cette image peu glorieuse de la démocratie française que laisse ce scrutin.

Merci à nouveau au site France politique pour ses études politiques et sa cartographie limpide.

mardi 16 mars 2010

Cycle Utopies réelles (7) : le Birobidjan, ou l'autre Israël



Décidemment, les utopies réelles ont du mal à survivre en ce monde : ainsi du Birobidjan, naguère Région autonome juive créée par Staline au bout du monde en 1934, fusionnée en 2008 avec la grande région russe voisine du Kraï de Khabarovsk, tout en bas à droite sur la carte de la grande Russie, partageant une large frontière avec la Chine.


On est servi en matière d'isolement, merci Joseph ! Nous sommes littéralement au bout du monde. A vol d'oiseau, 6 000 km de Moscou, 8 000 km d'Israël mais à peine plus de 1 500 km de Tokyo et de Pékin. Bref, l'extrême orient russe, terre asiatique peuplée d'européens, zone parfaitement inconnue de nous autres, occidentaux.

C'est pourtant là que Staline avait décidé d'offrir une patrie aux juifs, alors qu'Israël n'existait bien sûr pas encore, et que ceux-ci étaient devenus persona non grata un peu partout en Europe. Les arrières pensées du petit père des peuples étaient manifestement aussi vastes que la distance à parcourir - 7 jours complets de transibérien - pour arriver là bas.

Pourtant, le Birobidjan fut bien terre juive, par l'accueil d'environ 30 000 juifs. Désormais, sur un peu moins de 200 000 habitants, la population se réclamant de la religion juive n'est plus que de 1% et quelques...


C'est que la chute de l'URSS et l'ouverture des frontières a permis aux juifs du Birobidjan de partir pour Israël. Début 1991, 2 000 juifs russes arrivaient par jour à l'aéroport Ben Gourion, en Israël, en manteau de fourrure, chapska, bottes... pour une température extérieure de 10 à 15°. Et on les logeait dans des villages entier de mobil-home, dans les territoires occupés ou dans le Neguev, où il faisait encore plus chaud, car Israël n'avait ni le temps ni le droit de construire en dur dans des zones qui officiellement ne lui appartenaient pas.

La région juive autonome du Birobidjan, utopie réelle qui n'aura pas dépassé ses 75 ans, s'est vidée de ses habitants, qui l'ont fuit alors qu'elle avait été créée spécialement pour eux.

(diffusé en février 2008)

mercredi 10 mars 2010

Retour sur Haïti


Une catastrophe a déjà chassé l'autre. Mais Haïti demeure. Dans l'accumulation des déclarations de toute nature sur le pays suite au séisme de janvier, au final, peu de choses demeurent. Et malgré tout il faut bien s'expliquer ce qui arrive à ce pays depuis sa fondation, comme le blog "en attendant" s'y est essayé dans un message précédent. Et pourquoi cette gouvernance catastrophique au cours des siècles alors qu'Haïti fut fondé sur l'avant garde éclairée des Lumières ? Et pourquoi l'ignorance de ce pays, notamment par la France, dont aucun président de la République ne l'avait visité jusqu'ici ?

Alors voila qui peut être fort utile : un extrait de l'interview de Jean-Marie Théodat, Haïtien, Géographe, Universitaire, au journal le Monde, publié le 23 janvier dernier, et gardé sous le coude jusqu'ici, dans l'espoir de recueillir d'autres éléments de la même eau claire... En vain, je le crains.

Propos recueillis par Josyane Savigneau

(...)

Votre thèse est consacrée à Saint-Domingue et Haïti. On a le sentiment que, sur une même île, il y a un côté qui gagne, la République dominicaine, et un côté qui perd, Haïti.

La République dominicaine a eu une histoire économique et sociale qui lui a permis de se mettre à l'abri de certains grands dérapages. La nation s'y est faite sous l'égide de l'Etat, contre Haïti, par la guerre. A Port-au-Prince, à l'inverse, on a assisté d'emblée, dès l'indépendance, en 1804, à un divorce entre l'Etat et la société.

L'Etat est héritier de l'administration coloniale, avec un mode de gouvernance qui n'a pas bougé : aux riches tous les bénéfices du travail, aucun service en retour pour les pauvres. Le paysan, ancien esclave, a été assigné à un double service : le travail de la terre et le service des armées. Les grandes propriétés étaient gérées sur un mode militaire. Les travailleurs, même salariés, étaient organisés en escouades. Le paysan haïtien, issu de l'esclavage, rêvait d'une liberté plus franche. Il n'a jamais adhéré au modèle de société proposé par son élite.

Le chaos actuel peut-il seulement enfoncer Haïti dans le malheur ou permettre un sursaut ?

Il y a quelques années, je disais à mes amis "On ne pourra jamais tomber plus bas" : la misère, la pauvreté, les catastrophes et la perte de l'indépendance. Car la présence de la Minustah, même si c'est une main secourable, attente à notre dignité. Aujourd'hui le pays tout entier est à terre, seuls nous ne pourrons pas rebondir.

Mais l'extraordinaire empathie manifestée par la communauté internationale est plus forte que pour d'autres catastrophes naturelles. Ce pays qui est entré dans l'histoire en démontrant le caractère universel des droits de l'homme y revient pour rappeler, à son corps défendant, l'universalité de la douleur, c'est la seule bonne nouvelle à tirer de ce séisme.