mercredi 5 mars 2008

Chiffres du chômage, le grand trucage : qu'on se le dise une bonne fois pour toutes

Le collectif « Les autres chiffres du chômage » publie ce communiqué ce presse. Qu'on se le dise une bonne fois pour toutes : la publication officielle mensuelle des chiffres du chômage et la mise en scène médiatique qui l'entoure n'est que vaine agitation démagogique, tout juste bonne à attraper les voix comme on attrape les mouches... N'adhérez pas, s'il vous plaît !




Communiqué de presse du 28/02/2008 « Chiffres mensuels du chômage »: le mensonge officiel continue

En dépit du bon sens, le gouvernement continue de commenter mois après mois les statistiques de l'ANPE comme s'il s'agissait de « chiffres du chômage ». Ainsi le site de Matignon annonçait fin décembre que « la baisse du taux de chômage se poursuit, comme l’a annoncé Christine Lagarde le 27 décembre. Le nombre de chômeurs inscrits à l’ANPE en catégorie 1, fin novembre, a diminué de 0,7 % comparé au mois d’octobre (- 12 520 chômeurs) ».
La presse emboîte le pas : « le chômage a reculé de 9,3 % en 2007 » (Le Monde, 1 février 2008), « 195 000 chômeurs de moins en 2007 » (le Figaro, 31/01/ 2008), « le chômage a baissé de 0,5% en décembre » (dépêche AFP, 30/01/2008). Depuis un an, rien n'a changé dans le rituel mensuel des « chiffres du chômage ». Et les journaux télévisés continuent de surenchérir sur « la baisse continue du chômage depuis deux ans ».

Tout continue à se passer comme si les statistiques de l'ANPE étaient un indicateur crédible du chômage; comme si l'Insee n'avait pas dû renoncer à calculer un taux mensuel de chômage BIT calé sur les données de l'ANPE ; comme si la controverse sur les chiffres du chômage n'avait tout simplement pas eu lieu. Rappelons donc trois évidences, bien établies par des données officielles, mais qui semblent déjà oubliées.

Première évidence: le baromètre mensuel 'officiel', les DEFM de catégorie 1, représente moins de la moitié des inscrits à l'ANPE. En décembre 2007, le nombre de personnes inscrites à l’ANPE en catégorie 1 s’élevait à 1 897 000 tandis que le total des inscrits s’élevait, en métropole, à 3850000, Sans compter les personnes inscrites à l’ANPE dans les DOM.
Car les demandeurs d’emploi inscrits dans les DOM ne sont toujours pas comptabilisés. La loi « TEPA » stipulait pourtant qu’"avant le 31 décembre 2007, le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les modalités d'intégration des personnes privées d'emploi en Outre-mer dans les statistiques nationales relatives aux chiffres du chômage": mais ce rapport semble avoir disparu dans le triangle des Bermudes.

Deuxième évidence: le baromètre officiel ne correspond à aucun concept de chômage internationalement validé, et certainement pas au chômage au sens du BIT. Ainsi à la mi 2007, l'Insee comptabilisait 2,2 millions de chômeurs BIT alors que l'ANPE dénombrait 1,9 million de
demandeurs d'emploi de catégorie 1.

Mais surtout, troisième évidence, son évolution est loin de refléter fidèlement les tendances du marché du travail : la variation du nombre d'inscrits à l'ANPE dépend étroitement des politiques de gestion des demandeurs d’emploi que mène l'Agence. Ainsi, entre mi 2005 et mi 2006, les DEFM de catégorie 1 ont baissé de 10% alors que le chômage au sens du BIT augmentait de 3% selon l'enquête Emploi de l'Insee. Plus de 200 000 demandeurs d'emploi ont disparu des listes de l'ANPE tandis que le chômage au sens du BIT augmentait de 57 000 selon l’INSEE.

De la mi 2005 à mi 2006, le gouvernement s'est réjoui quasiment chaque mois d'une baisse du chômage purement imaginaire. On connaît les raisons de cette divergence spectaculaire, et nous les avions énoncées dès janvier 2007 : les changements dans la gestion des listes de demandeurs d'emploi par l'ANPE, le renforcement des contrôles et le durcissement des conditions d'accès à l'indemnisation du chômage.


La direction de l'Insee s'était refusée à valider les résultats de son enquête Emploi en pleine campagne électorale présidentielle. Mais l'Institut a maintenant reconnu officiellement que son enquête était correcte, et que c'étaient les données de l'ANPE qui avaient dérapé. En réalité, la baisse du chômage a commencé mi 2006, et le chômage a baissé d'1 point en 2006-2007, non pas de 2 points comme le proclamait le gouvernement d'alors, et comme continuent de l'affirmer de nombreux hommes politiques ou commentateurs.

En 2007, la dérive des statistiques ANPE s'est sans doute ralentie : les critères de gestion de la liste des inscrits n’ont guère changé et le contrôle des chômeurs n'a pas connu de nouveau durcissement. Mais tout indique qu'en 2008 la dérive pourrait repartir: la chasse aux prétendus « faux chômeurs » semble ouverte, comme l'indiquent de multiples déclarations. Par ailleurs, divers projets prévoient un durcissement des conditions d'attribution des minima sociaux et un renforcement supplémentaire de la pression sur les demandeurs d'emploi pour qu'ils acceptent n'importe quel emploi. Le Medef a déjà annoncé son intention d'élargir la définition de « l'offre valable d'emploi » lors de la prochaine négociation UNEDIC, qui doit démarrer juste après les élections municipales.

En outre, la fusion ANPE-UNEDIC, qui devrait être opérationnelle en 2008, va selon toute vraisemblance se traduire par de nouvelles politiques de gestion des demandeurs d'emploi, sans parler d'éventuels changements dans les systèmes informatiques ou gestionnaires.

C'est parce que les statistiques de l'ANPE ne sont pas représentatives de l'évolution du marché du travail, que le personnel de la DARES, dans un courrier adressé le 27 novembre 2007 à son
Directeur Antoine Magnier, a demandé que la publication mensuelle de la DARES, « Le marché du travail en (janvier 2008) », soit rebaptisée « Les demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE en (janvier 2008) ». Le système statistique public compétent, c'est-à-dire en l'occurrence l'INSEE et la DARES, doivent reconnaître clairement que les statistiques de l'ANPE ne peuvent pas être interprétées pour l'analyse conjoncturelle du marché du travail, et que seuls font foi les résultats de l'enquête sur l'emploi, publiés chaque trimestre par l'INSEE.