jeudi 2 octobre 2008

Grande crise (1) : la recette


Quelle ironie de l'histoire : le XXI° siècle avait commencé avec la chute de l'empire soviétique et la fin de la guerre froide, et voilà qu'il se poursuit en 2008 avec la collectivisation des banques en faillite par... l'Etat fédéral US !


Quelle recette magique a mené là ? Cela vaut la peine de l'écrire. Les dessins sont du canard enchaîné de ce mercredi qui, évidemment, se déchaine pour cette grande occasion.

Les ingrédients
  • une grosse dose d'idéologie ultra libérale à base d' a priori présentés comme définitifs du genre "le marché est capable de s'autoréguler tout seul", "les acteurs économiques sont les seuls légitimes à organiser la société", "le politique est l'auxiliaire subsidiaire des entreprises" etc. etc.
  • une bonne cuillère d'aveuglement basé sur la croyance hasardeuse que le marché immobilier NE BAISSERA JAMAIS et donc que l'immobilier des particuliers peut être gagé sans limite au fur et à mesure de l'augmentation des prix,
  • quelques tonnes de crédits à la consommation à taux progressifs consentis à des ménages dont on sait qu'ils ne pourront pas les rembourser après quelques années,
  • une bonne troupe de courtiers privés vendeurs de prêts et irresponsables, pressés de "faire du chiffre" avant de tout refiler au système bancaire qui les a encouragés,
  • un nappage fantaisie dénommé titrisation permettant de déguiser les crédits pourris en les mélangeant à des créances acceptables
  • une brochette d'agences de notation à disposer sur le nappage, juste pour faire joli (elles n'iront pas sous la surface des choses, rien à craindre) et qui donnent la note maximale à tout ce qui émane de n'importe quelle banque américaine (on est entre nous, n'est-ce pas ?)
La recette
  • Mettre tous les ingrédients dans un pays immensément riche mais fortement inégalitaire, dirigé par la droite libérale la plus réactionnaire depuis longtemps et surtout la plus bête parce que la plus fanatique,
  • Laisser mijoter quelques bonnes années,
  • Et la belle crise que voilà !
A l'évidence, cette crise est essentielle. Elle remet les pendules économiques à la bonne heure et ramène l'ultralibéralisme a ses composants essentiels : le chacun pour soi, l'exploitation des plus démunis, l'irresponsabilité sociale. Du même coup, elle requalifie l'action publique en la relégitimant, après qu'elle fut fustigée pendant des années comme abusive et liberticide. Le libre renard dans le libre poulailler baisse enfin le masque.

La crise traverse l'Atlantique en ce moment, avec des effets atténués compte tenu de la résistance de l'Europe à endosser les modèles économiques US malgré les manoeuvres des grands financiers de chez nous pour les y imposer. Elle se paiera cher pour les plus démunis. Aux Etats-unis d'abord, où tout une catégorie de la population perdra tout ou à peu près : habitation, travail, retraite (puisque le système de capitalisation qui paye les retraites s'effondre en même temps que la bourse). En Europe ensuite, par un taux de chomage accru, lié à l'affaiblissement des avoirs US, qui sont considérables, dans les entreprises européennes. Partant socialement de rien, l'Asie aura tout à gagner de la crise : les conditions économiques de sa main-d'oeuvre lui permettent d'engranger des fortunes à réinvestir là où les USA feront défection. Salariés du privé, il est urgent d'apprendre le chinois ou l'arabe du Golfe pour commencer de discuter avec ses futurs patrons !